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De l’association d’affaires

Un ami m’a récemment demandé de l’information sur la meilleure façon pour lui de s’associer avec une personne avec qui il voudrait se lancer en affaires; je me suis dit que la meilleure approche pour lui répondre serait d’écrire le présent article afin d’offrir quelques pistes de réflexion en la matière, article qui pourrait par surcroît peut-être servir à d’autres.

Le but recherché par les associés est d’en arriver à une entente quant au fonctionnement de l’entreprise, notamment quant aux responsabilités de chacun, l’investissement de chacun, le partage des profits, etc. Le Code civil du Québec prévoit certains types d’associations d’affaires prédéfinies que je passerai brièvement en revue avant de conclure sur l’exercice d’un choix final, mais, avant toute chose, je voudrais rappeler quelques principes généraux des contrats.

1. Le contrat

Un contrat est une entente entre un ou plusieurs personnes. Le contrat classique entre deux personnes est celui dans lequel chacun s’engage réciproquement envers l’autre (en termes savants, on parle d’un contrat synallagmatique); par exemple, dans un contrat de vente, le vendeur s’engage à fournir un bien en échange d’argent, alors que l’acheteur s’engage à fournir l’argent en échange de ce bien.

1.1 La forme du contrat

Il y a un mythe persistant au Québec à l’effet qu’un contrat verbal ne vaut rien; eh bien c’est totalement faux! Sauf exception, un contrat verbal vaut tout aussi bien qu’un contrat écrit. Le seul problème en est un de preuve: si jamais il y a litige entre les cocontractants sur un point du contrat, comment un juge pourra-t-il savoir qui dit vrai? Avec un écrit, on évite les «-On avait dit qu’on ferait ça de même. -Non, car je n’aurais jamais accepté ça!». La forme de contrat «suprême» est le contrat notarié (par exemple, même si ce n’est pas obligatoire, la quasi-totalité des contrats de vente immobilière sont notariés), car il s’agit alors d’un document officiel authentique dont on n’a pas besoin de faire la preuve en cour.

Certains contrats ne peuvent être oraux, comme le testament par exemple (lequel doit par ailleurs respecter d’autres règles de forme pour être valide). Et d’autres contrats doivent obligatoirement être notariés, comme un contrat d’hypothèque ou la donation d’un immeuble.

1.2 Le fond (contenu) du contrat

La règle générale au Québec est qu’un contrat peut porter à peu près sur n’importe quoi et peut contenir à peu près n’importe quelles modalités, sauf exception. Outre plusieurs exceptions légales particulières (comme en matière de consommation, par exemple, à cause de la Loi sur la protection du consommateur), il y a l’exception générale de tout ce qui est contraire à l’ordre public; il est par exemple évident qu’un contrat ne peut porter sur un objet criminel (comme une transaction de drogue, par exemple). Mais sinon le gens peuvent vraiment convenir pas mal de tout ce qu’ils veulent, comme ils veulent.

La difficulté pour les parties consiste généralement à déterminer des points sur lesquels s’entendre et quoi prévoir. Je souligne que rien ne vaut la consultation d’un professionnel (un notaire ou un avocat) qui pourra nous conseiller sur les points importants à considérer et qui connaît les exceptions légales qui pourraient s’appliquer à notre situation, mais si on a la bourse légère, je mentionne au passage l’existence d’un service à prix modique qui peut être intéressant pour certains, à savoir Jurifax qui propose des modèles de contrats pour toutes sortes de situations, y compris des contrats de société.

Un contrat peut être négocié de gré à gré, mais il existe aussi des contrats dits d’adhésion dont les termes sont imposés par l’une des parties (par exemple, un contrat de service téléphonique). Évidemment, on a toujours la liberté de refuser de signer le contrat, mais on ne nous laisse pas le choix quant au contenu; c’est take it or leave it. Ce type de contrat est parfaitement légal (car personne n’est obligé de contracter avec qui que ce soit), mais au moins la loi accorde certaines protections à la partie en position de faiblesse; notamment, un juge pourrait annuler certaines clauses abusives.

Typiquement, dans un contrat de société, les gens conviennent de faire des apports à la société (que ce soit matériellement, financièrement ou intellectuellement) et s’entendent sur la procédure de prise de décisions et d’administration, mais peuvent vraiment convenir presque de tout ce qu’ils veulent entre eux.

1.3 Validité d’un contrat

Un contrat sera valide si, bien sûr, les éventuelles conditions de forme et de fond sont respectées, mais aussi seulement si les cocontractants (par ailleurs capables de contracter) ont été en mesure de donner un consentement libre et éclairé. Chaque partie doit bien comprendre à quoi elle s’engage; rien ne doit être caché, et aucune tromperie ne doit être effectuée. Notons cependant qu’au Québec, il n’y a pas de lésion entre majeurs, c’est-à-dire qu’on ne peut pas poursuivre quelqu’un qui nous en a «passé une vite» s’il n’y a pas eu fausse représentation. Par exemple, on achète plusieurs milliers de dollars un tableau peint par un artiste célèbre, pour se rendre compte par la suite qu’il ne vaut presque rien pour une raison X (bien qu’il soit authentique): le contrat était valide, et c’était à l’acheteur de se renseigner sur la valeur réelle du tableau avant d’acheter.

1.4 Conséquences du contrat

Une chose qui échappe malheureusement parfois à certaines personnes est qu’un contrat a force exécutoire entre les parties: c’est la loi des parties. Les parties à un contrat doivent respecter leurs obligations respectives, sinon leur cocontractant a le droit de demander réparation en justice.

1.5 Modification et fin du contrat

Même après la rédaction d’un contrat, les parties peuvent très bien s’entendre soit pour modifier des points existants, soit pour en ajouter ou en retirer; il en découle donc logiquement que les parties peuvent très biens s’entendre pour résilier ou résoudre un contrat (résilier = «on arrête ici», résoudre = «on arrête ici, et en plus on se remet tout ce qu’on s’est déjà donné»).

À défaut de mettre fin au contrat d’un commun accord, le contrat se terminera de lui-même soit après que toutes les parties se soient déchargées de leurs obligations, soit après l’arrivée d’un terme déterminé par le contrat ou la loi (par exemple, un bail ne peut durer plus de 100 ans).

2. Les contrats de société

Le Code civil du Québec prévoit à ses articles 2186 et suivants certains types d’associations d’affaires prédéfinies, à savoir:

  • la société en participation;
  • la société en nom collectif;
  • la société par actions (compagnie);
  • la société en commandite.

Je résume ici TRÈS succinctement les caractéristiques les plus importantes de ces diverses sociétés; la lecture des articles pertinents du Code civil du Québec ou la consultation d’un conseiller juridique sont essentielles pour bien saisir toutes les nuances entre ces diverses sociétés.

2.1 La société en participation

C’est la forme la plus simple de contrat de société, et la forme «par défaut» si on peut dire (c’est-à-dire si des personnes s’entendent pour monter une entreprise commune sans remplir aucune formalité); autrement dit, dès que deux personnes se disent: «-Eille, on fait-tu ça ensemble? -D’accord!», eh bien il y a formation d’un contrat de société en participation. Comme la société en participation n’est pas enregistrée, les tiers ne sont pas nécessairement considérés savoir que les associés travaillent ensemble, de sorte qu’un associé qui signe seul un contrat au nom de la société sera personnellement responsable de l’obligation contractée, et non la société. Il faut juste retenir que le grand principal général est que les associés ne perdent pas vraiment leur individualité, et que la société n’existe vraiment qu’entre les associés et non aux yeux des autres.

2.2 La société en nom collectif

Ce mode d’association d’affaires est sans doute le plus populaire avec la société par actions. Pour qu’une société puisse être reconnue en nom collectif, elle doit être enregistrée auprès du registraire des entreprises du Québec (sinon elle ne sera qu’une société en participation). L’avantage est que la société en nom collectif, par son enregistrement, jouit d’une existence légale reconnue sans ambiguïté, de sorte que les associés perdent leur individualité pour devenir des mandataires de la société dans leurs relations avec les tiers. Sans être une personne morale, la société peut néanmoins poursuivre sous son nom et être poursuivie sous son nom, ce qui n’est pas le cas avec la société en participation; et lorsqu’un associé contracte au nom de la société, c’est la société au complet qui est responsable de l’obligation et non plus seulement l’associé qui a signé le contrat, mais les associés seront au final conjointement ou solidairement responsables de toute condamnation rendue contre la société (ce qui ne serait pas le cas avec une société par actions).

2.3 La société par actions

La société par actions est particulière en ce que, contrairement à toutes les autres sociétés, elle jouit d’une personnalité juridique propre pleine et entière: c’est une personne morale. Ceci signifie que la société existe comme une vraie personne, avec un patrimoine complètement distinct de celui de ses membres; à ce titre, elle doit, par exemple, produire une déclaration d’impôts (ce qui n’est pas le cas pour les autres sociétés, dont les revenus sont attribués à chacun des associés selon le contrat de société établi). Donc, l’argent fait par une compagnie reste par défaut dans les poches de la compagnie: les membres pourront recevoir de l’argent sous forme de salaire (s’ils sont des employés de la compagnie, par exemple comme administrateurs) ou sous forme de dividendes (s’ils sont actionnaires).

Les intérêts pour la société par actions sont multiples. Parmi ceux-ci, on trouve un taux d’imposition très bas (mais attention: comme tout salaire versé sera imposé aux taux «normaux» entre les mains des salariés, ainsi que les dividendes, il n’y aura pas nécessairement économie d’impôt au final, surtout si tous les profits de la compagnie sont versés en salaires ou en bonus), une possibilité de financement par la vente d’actions sans que les actionnaires ne soient responsables des dettes de la compagnie, et finalement une responsabilité limitée des administrateurs qui ne sont responsables qu’envers la compagnie et non envers les tiers (autrement dit, en cour, c’est la compagnie qui sera condamnée s’il y a manquement à une obligation contractuelle et non les administrateurs personnellement). Cependant, la société par actions a aussi ses bémols: elle est plus coûteuse à démarrer et plus lourde à administrer; il n’est par exemple pas du tout conseillé de démarrer une compagnie sans quérir les services de professionnels, à savoir un juriste pour la rédaction des statuts et des règlements, ainsi qu’un comptable pour la tenue de livre.

2.4 La société en commandite

Ce type de société se caractérise par l’existence de deux groupes distincts dans la société, à savoir, d’une part, des commanditaires qui fournissent un financement et, d’autre part, des commandités qui gèrent et administrent la société. Comme ce type de société ressemble un peu à une société par actions financée par la vente d’actions, mais sans offrir les avantages de la personnalité juridique pleine et entière et de la responsabilité limitée, on lui préfère généralement la société par actions, quoiqu’encore une fois d’aucuns pourront voir un avantage financier à court terme de choisir d’abord la société en commandite pour aller plus tard vers une société par actions.

3. Le choix final

Le choix final d’un type de société dépend de plusieurs facteurs, notamment de l’ampleur de l’entreprise que l’on désire bâtir, des moyens financiers à notre disposition, des risques que l’on est prêt à prendre, etc. Mais il faut bien prendre en note qu’on peut en tout temps décider de passer d’un type de société à un autre. Dans tous les cas, je ne répéterai jamais assez que la consultation d’un professionnel afin de faire un choix éclairé est plus que conseillée.

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